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Fondation pour Genève: Charles Bonnet lauréat du Prix 2013


Charles Bonnet reçoit le Prix 2013 de la Fondation pour Genève


La Fondation pour Genève, à laquelle s’associent les autorités genevoises et l’Université de Genève, a remis le 6 mars dernier son Prix 2013 à l’archéologue genevois Charles Bonnet. Devant les quelque mille huit cents personnes remplissant le Victoria Hall, le professeur Bonnet a évoqué ses recherches à Genève et dans la vallée du Nil, où il a découvert, avec son équipe, des statues des légendaires pharaons noirs de Nubie.

MM. Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération, et Charles Beer, président du Conseil d’Etat, ont rendu hommage à l’exceptionnelle carrière de l’archéologue, qui a ensuite reçu le Prix 2013 des mains de M. Ivan Pictet, président de la Fondation pour Genève.

 
Photo G. Chardonnens
Charles Beer, président du Conseil d’Etat.

Né en 1933 à Satigny, Charles Bonnet grandit dans une famille de viticulteurs. Enfant bouillonnant et personnalité non conventionnelle, il rêve d’archéologie. Mais, autorité paternelle oblige, il fréquente une école d’agriculture, puis de viticulture, avant de passer un diplôme en sciences orientales à l’Université de Genève, suivi d’un doctorat en sciences médiévales à l’Université de Lyon. Il mène ses premières fouilles près de Satigny, où il exhume les thermes d'une villa romaine. Nommé archéologue cantonal, il met au jour des sites paléochrétiens exceptionnels et développe des techniques permettant d’effectuer des fouilles dans des immeubles très anciens. Il s’occupe à Genève de nombreux chantiers, notamment durant trente-cinq années dans la cathédrale Saint-Pierre, où sont découverts des vestiges d’une très grande richesse, témoignant d’une extraordinaire évolution, et sur lesquels il publie plusieurs ouvrages.

(De gauche à droite) M. Ivan Pictet, président de la Fondation pour Genève, le professeur Charles Bonnet, archéologue, lauréat 2013 du Prix de la fondation, et Mme Tatjana Darany, directrice générale de la Fondation pour Genève.
Photos G. Chardonnens

Voyageur infatigable, il est conduit par sa passion en Egypte, puis dans le nord du Soudan. Dès 1977, il est chef de la mission archéologique de l’Université de Genève à Kerma, devient une référence incontournable pour l’archéo­logie nubienne ancienne et donne une visibilité mondiale à l’archéologie suisse. Professeur honoraire de l’Université de Genève, reconnu dans le monde entier, il est notamment docteur honoris causa des universités de la Sorbonne, de Louvain-la-Neuve et de Khartoum. Archéologue «hors-les-murs» et hors-normes, Charles Bonnet a déployé toute son énergie pour faire collaborer les êtres humains autour du passé et de ce que l’histoire matérielle, religieuse et profane nous raconte, si nous savons la faire parler et l’écouter. «La mission de l’archéologue est complexe, affirme Charles Bonnet. Il doit être très scientifique, mais il a également un devoir de vulgarisation.»

L’aventure de Kerma et les pharaons noirs de Nubie
Depuis quarante ans, le professeur Bonnet passe tous les hivers à Kerma, au nord du Soudan. Contrairement à ce que supposaient de précédents visiteurs, il y découvre une civilisation à part entière, autonome et puissante, qui n’était pas soumise à l’Egypte. Les fouilles autour d’un temple majestueux appelé la Deffoufa ont permis de révéler l’existence de la capitale d’un fabuleux royaume nubien, dont les limites sont encore mal connues. Après mille ans d’existence, Kerma est détruite par les Egyptiens qui y construiront une autre ville.

C’est en fouillant les vestiges de cette nouvelle cité que Charles Bonnet et son équipe découvrent, en 2003, l’inimaginable: sept statues monumentales représentant les pharaons noirs qui régnèrent sur l’Egypte ancienne entre 750 et 650 avant Jésus-Christ. Une découverte qui le réjouit mais le préoccupe également, car il lui faut documenter cette trouvaille inouïe et mettre en valeur les monuments. Charles Bonnet évoque ses relations de longue date avec les autorités soudanaises, qui ont soutenu son travail et bâti à Kerma un musée visité chaque année par plus de 30 000 visiteurs: «Il y a une histoire du Soudan et les Soudanais peuvent en être fiers. Le Soudan est une porte ouverte sur l’Afrique et nous retrouvons peu à peu l’histoire de ce grand pays.»

L’hommage des siens à Genève: un moment émouvant
Le lauréat du prix 2013 a reconnu son émotion d’être honoré dans sa ville. Charles Bonnet a tenu à rendre hommage à ses pairs, démontrant par sa carrière que la recherche est avant tout un travail de groupe: «Chaque spécialiste est au service d’un projet commun; je suis donc ici grâce à beaucoup d’autres, dont plusieurs se trouvent dans cette salle», avant de faire part de son bonheur de voir cette approche continuer à Genève avec Jean Terrier, l’actuel archéologue cantonal.

M. Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération, a eu l’occasion de visiter les chantiers archéologiques de Kerma en 2004. Il a loué les multiples talents de Charles Bonnet: «C’est un homme remarquable: il est non seulement passé de la viticulture à l’archéologie, mais dans l’archéologie même il a su naviguer: archéologue médiéval, archéologue égyptologue, intéressé de surcroît par l’époque romaine. C’est un homme universel, un digne descendant de la famille Bonnet, humaniste elle-même. L’un de ses ancêtres, qui porte le même prénom, a donné son nom à un syndrome psychiatrique.»

M. Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération, M. Mohamed Elmurtada Ismail, ministre plénipotentiaire à la Mission permanente du Soudan à Genève, M. Salah Mandil, consultant senior à l'OMS, Mme Hidaya Ibrahim Hashim Ismail, épouse de l'ambassadeur du Soudan, (caché derrière M. Bonnet) M. Gabriel Barrillier, président du Grand Conseil, M. Charles Bonnet, archéologue, lauréat 2013 du Prix de la Fondation pour Genève, M. Charles Beer, président du Conseil d’Etat, (caché derrière MM. Beer et Longchamp) M. Abdelrahman Dhirar, ambassadeur, représentant permanent de la République du Soudan auprès de l'ONUG, M. François Longchamp, conseiller d’Etat, M. Rémy Pagani, maire de la Ville de Genève, M. Ivan Pictet, président de la Fondation pour Genève, M. Jean-Dominique Vassalli, recteur de l’Université de Genève, et Mme Tatjana Darany, directrice générale de la Fondation pour Genève.

M. Charles Beer, président du Conseil d’Etat, relève quant à lui les chemins de traverse pris par Charles Bonnet: «Ce parcours m’impressionne par son originalité et la capacité de s’éloigner de ce qui est prévu d’avance. Vous avez suivi l’école d’agriculture, puis travaillé en Amérique latine, au Chili, ensuite dans une agence de voyage, avant de vous consacrer enfin à votre passion, y retrouvant une dimension propre au monde agricole que vous aviez quitté, à savoir le goût de la terre, la terre qui recèle tant de trésors. Laissez-moi vous dire mon admiration pour votre capacité à restituer à chacune et chacun le sens de vos engagements et de vos découvertes. Partout où vous intervenez, vous tenez à ce que tous, sur les chantiers, y compris les ouvriers, comprennent ce qu’ils font, participent à la découverte et se sentent ainsi inscrits dans votre parcours.

Ce qui m’a frappé en préparant cette prise de parole, c’est votre propos sur la politique, du point de vue de la méfiance et de ce qu’elle peut fermer comme portes. Je tiens à dire que la manière dont vous avez mené vos travaux montre la capacité à ne pas s’enfermer, à ne jamais fermer les portes, mais au contraire à toujours chercher à les ouvrir.

Ce qui m’impressionne enfin dans la science que vous représentez, ce n’est pas seulement le fait d’avoir fait découvrir à Genève un certain nombre de sites dont on n’imaginait même pas l’existence. C’est aussi, à travers ces découvertes, d’avoir montré à quel point le passé représente une source d’équilibre pour nous qui sommes trop souvent tournés vers la logique du court terme, de l’urgence, parfois l’appât du gain, incapables autrement que virtuellement de penser au sens de notre existence. Vous avez donné une leçon de modestie en disant à des responsables locaux de Kerma qui vous demandaient d’intervenir pour la construction d’une centrale électrique: «Je ne suis que le maître de la poussière». Ce n’est pas à vous que nous demanderons conseil pour construire le quartier de la Praille-Acacias-Vernets, mais vous nous avez donné des sources d’inspiration supplémentaires!»

Département de l'instruction publique, de la culture et du sport
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